La France ou l'enfer des professeurs
- par Jean-Rémy Girard
le 14/02/2014 - 16:23
La France
ou l'Enfer des
professeurs
Pour certains (y compris à l'intérieur de notre institution), les professeurs seraient des privilégiés et leurs élèves de pauvres petits êtres brimés par un système autoritaire qui ne connaîtrait que la sanction et le méchant redoublement, et qui les rendrait de fait incompris et malheureux. À l'heure où l'on se gargarise de comparaisons internationales, peut-être faudrait-il regarder la réalité en face : les élèves français sont globalement contents d'être à l'école, et leurs professeurs sont malmenés en cours et mal payés. La preuve par les chiffres(').
Jean-Rémi GIRARD
Secrétaire national à la pédagogie
Les salaires de la honte
Alors que le recrutement des professeurs se fait désormais à Bac + 5 (sans oublier qu'ils doivent passer un concours en sus de leur diplôme !), le salaire, lui, traîne la patte. Et si l'on regarde ce qui se passe chez nos voisins, le constat est pire encore. Au primaire comme au collège, la France se situe en-dessous de la moyenne des pays de l'OCDE, encore plus en-dessous de la moyenne des pays de l'Union Européenne, et la comparaison avec des pays comme l'Irlande, le Canada ou encore l'Allemagne (tous mieux classés que nous dans les enquêtes PISA) est sans appel. La prolétarisation du professorat est un véritable phénomène national, et il ne faut pas aller chercher plus avant des raisons pour expliquer que le métier n'attire plus. Ainsi, un professeur des écoles en début de carrière est rémunéré moins de 26 000 dollars par an chez nous, et plus de 47 000 dollars en Allemagne. De même, un professeur de collège en France (certifiés et agrégés confondus) reçoit à peine plus de 36 000 dollars annuels après 15 ans de carrière, contre plus de 63 000 dollars aux Pays-Basl2. Autant dire qu'il y a un gouffre entre nous et nos voisins, et que les discours, de quelque bord politique qu'ils viennent, faisant de l'École une priorité nationale sonnent bien creux dans notre hexagone.
Les élèves malheureux ? Faux !
Autre poncif ressassé jusqu'à l'infini : les élèves français seraient plus malheureux à l'école que leurs homologues d'autres pays. Les plus sérieux des détracteurs de notre système scolaire s'appuient sur un unique chiffre de l'enquête PISA : les élèves français seraient 47 % seulement à se sentir chez eux à l'école, contre 81,3 % dans l'ensemble de l'OCDE. Pourtant, à y regarder de plus près, 81 % des élèves disent se sentir bien à l'école en France (OCDE : 79,8 %), 80,4 % affirment que tout se passe très bien dans leur école (OCDE : 61,1 %) et 81,5 % sont satisfaits de leur école (OCDE : 78,2 %).
En réalité, les élèves français sont tout à fait dans la moyenne des autres pays concernant le bien-être des élèves, et même au-dessus. La seule fausse note reprise par tous est en réalité... une erreur de traduction ! En effet, alors que l'on demande aux élèves non francophones si l'école est un endroit où ils se sentent « bien », on demande aux francophones s'ils s'y sentent « chez eux ». Il est soudain beaucoup plus facile d'expliquer le différentiel, vu qu'on n'a pas posé la même question (et que l'on peut aisément se sentir bien quelque part sans s'y sentir chez soi).
Ainsi, les élèves français ne sont ni brimés, ni traumatisés par les notes : en fait, ils vont même plutôt bien, merci pour eux
Les professeurs respectés ? Non !
Ceux qui ne vont pas bien, ce sont leurs enseignants. La France est classée parmi les pires pays de PISA concernant le climat de discipline » en classe (nous sommes 58e sur 64 pays !). Un élève français sur 2 estime que les élèves ne peuvent pas bien travailler en classe, contre 24,2 % dans les dix pays les mieux classés à PISA. Seuls 18 % des élèves des pays les mieux classés trouvent qu'il y a du bruit et du désordre, contre plus de 30 % des élèves français ! Et tous les indicateurs amènent à la même conclusion : il y a davantage de bavardages, de bazar, de chahut, de bruit de fond dans les classes en France, et l'autorité du professeur y est nettement moins respectée qu'ailleurs. Il est même facile de constater qu'il y a une indéniable corrélation entre climat scolaire apaisé et performances scolaires des élèves (on s'en serait douté, remarquez...).
Une conclusion imparable
À l'arrivée, le constat est de l'ordre de l'évidence : un système scolaire dans lequel les professeurs sont sous- payés et non respectés est un système scolaire qui fonctionne moins bien. Le bien-être des élèves n'est pas un problème en France : c'est de celui des professeurs et des autres personnels qu'il conviendrait de se préoccuper, car c'est ce facteur qui est déterminant pour obtenir une école de qualité. À l'heure donc où d'aucuns demandent la suppression de la notation (« traumatisante »), la diminution drastique des conseils de discipline (« stigmatisants ») ou bien encore la mise au même niveau de la parole de l'élève et de celle du maître (« démocratique »), PISA nous apprend en réalité que ce n'est pas la voie à suivre. Nous voulons une école qui fasse réussir tous les élèves ? Alors il n'existe qu'une seule recette : mieux payer les personnels, et faire respecter leur autorité. C'est ce qu'a toujours dit le SNALC. Peut-être faudrait-il enfin nous entendre.
Déclaration du Snalc au CSE (conseil supérieur de l'éducation)
- par webmestre
le 25/01/2014 - 11:50
Déclaration du Snalc au CSE du 16 janvier 2014Le SNALC-FGAF souhaite une excellente année 2014 à l'administration ainsi qu'aux membres du CSE.
Monsieur le Ministre,
L'année 2014 sera celle de la mise en oeuvre de chantiers majeurs dans la refondation de l'École de le République que nous avons appelée de nos voeux. Au-delà des mesures concernant les métiers et les missions des personnels, c'est l'architecture même du collège qui va être revue. Il s'agira également de tracer de nouveaux contours à l'éducation prioritaire, de mettre en oeuvre les changements de programmes (quel que soit le nom qu'on leur donne) à venir, et, nous le demandons, de remettre l'ouvrage sur le métier de la réforme des lycées.
Les personnels que nous représentons ont besoin de travailler dans un cadre stable et bien défini, qui leur permette d'exercer leur profession au mieux, dans les meilleures conditions possibles, avec le soutien et la protection de l'Institution. C'est pourquoi le SNALC-FGAF, syndicat attaché à la mise en oeuvre d'une réelle amélioration de notre École, o fait, fait et continuera de faire des propositions constructives en ce sens.
Mais pour que le dialogue soit fructueux, il conviendrait,. en 2014, de laisser au placard les formules toutes faites, la pensée magique, les idéologies rances, le lexique technocratique employé par un certain nombre de ceux qui ont d'autant plus un avis sur l'école qu'ils n'y exercent pas. Parlons enfin entre nous le langage de la vérité, et arrêtons par exemple de produire des documents dans lesquels on écrit, je cite : « Les constats de l'année scolaire 2011-2012 en matière de respect de la règle dans les établissements du second degré font ressortir la prédominance des sanctions les plus sévères, le conseil de discipline étant convoqué pour prononcer, à titre quasi exclusif, des décisions d'exclusion définitive de nature à compromettre la continuité de la scolarité de l'élève.
Face à cette situation, il convient de donner toute leur place aux étapes de prévention et de dialogue préalablement à l'application d'une sanction et, quand celle-ci doit s'appliquer, de lui conserver un caractère éducatif. » De tels discours ne sont plus acceptables. La situation dans nombre d'établissements scolaires est aujourd'hui critique. ; L'autorité des adultes est sans cesse bafouée . Les conseils de disciplines stigmatisés ici sont en réalité la dernière bouée à disposition des équipes pour gérer l'ingérable, et voilà qu'on les montre une fois encore du doigt, arguant de l'éternelle dichotomie entre la méchante répression et la gentille éducation.
Stop ! Dans les établissements scolaires, tout est mis en oeuvre pour que les sanctions soient proportionnées, que les élèves soient écoutés, que la dimension éducative soit prise en compte. Mais il est des moments où cela ne fonctionne pas , où, face à la mollesse organisée de notre système, les élèves développent un sentiment d'impunité qui se confirme dans les faits. Pour ne pas « compromettre la continuité de la scolarité » d'un élève, on compromet la scolarité de l'ensemble de ses camarades de classe, on met en danger les enfants et les adultes, on crée des situations d'injonctions contradictoires pour les collègues, sommés de foire preuve d'autorité et privés des moyens permettant d'instaurer cette même autorité.
Alors pensons plutôt à mettre en oeuvre des solutions spécifiques à l'égard des fauteurs de trouble, qui ne demandent souvent qu'à ce qu'on les instruise à leur rythme, dans un cadre à la fois strict et accueillant, permettant un accompagnement plus personnalisé avec des personnels formés à la grande difficulté scolaire. C'est ainsi que l'on résoudra le décrochage scolaire et que l'on fera diminuer les actes de violence, et non en pointant du doigt une prétendue « sévérité » qui a depuis bien longtemps disparu de nos salles et de nos couloirs. En un mot l'idéologie que l'on veut encore renforcer est celle-là même qui est la cause de nos problèmes. Et cela ne peut plus durer.
Lettre d'un élève eue CPGE au lycée Henri IV à ses pairs en soutien à leurs professeurs
- par GuppY
le 15/12/2013 - 17:03
Chers amis
Vous n'êtes pas sans savoir que le corps professoral est en émoi ces derniers jours , suite au projet ministériel de modifier par décret le régime indemnitaire des professeurs de classes préparatoires. J'ai bien conscience que certains craignent que le mouvement de contestation affecte leur préparation du concours, et déplorent être otages d'une revendication qui serait purement corporatiste ou dictée par l'intérêt personnel. En ce qui me concerne, c'est plus l'effroi de ce que sous-entend un tel décret ministériel qui me gagne. Pour cette raison, il me semble vital, d'une part de se réunir pour en discuter, d'autre part d'arrêter une position commune sur le sujet.
Et j'aimerais, ici, vous faire part de quelques-unes des raisons qui m'exhortent à demander une réunion, sous la forme d'une assemblée générale des élèves, dans les plus brefs délais.
Nous avons tous la chance de bénéficier d'un enseignement d'excellence, dispensé par des professeurs motivés, et cela gratuitement. Diminuer le régime indemnitaire des professeurs, c'est abattre un des derniers vecteurs d'ascension sociale en France par le mérite. Certains d'entre nous sont parisiens, d'autres sont provinciaux, certains sont nés avec une cuillère d'argent dans la bouche, d'autres de milieux modestes ; pourtant, ici encore, nous nous trouvons à égalité. Supprimer les primes, c'est décourager des professeurs brillants à abattre un travail colossal qui est un des facteurs de notre réussite. C'est aussi les pousser, alors que leur métier est chaque fois plus déconsidéré, à aller chercherailleurs la considération qu'ils méritent, et cela au détriment de la qualité de l'enseignement public. Est-ce de I' égoïsme ? Comment concevoir que l'on vous demande un tel engagement, un tel sacrifice alors que dans le même temps on vous supprime des primes unilatéralement, en plus de vous jeter à la figure un prétendu statut de privilégiés ?Cela pose aussi la question plus large de la valorisation de l'enseignement dans notre société.
Vous l'aurez compris, l'idée, derrière ce décret, c'est bel et bien la fin des classes préparatoires. Un bastion de l'élitisme intellectuel bourgeois au service de la reproduction des élites. Un foyer de privilégiés. Il est temps d'en finir avec ces clichés réducteurs. Chacun d'entre nous a mérité sa place en travaillant durement, et c'est tout l'honneur de la France de continuer de recruter l'élite de son administration sur la base de ce mérite. C'est tout l'honneur de la France de conserver un recrutement qui cherche à atténuer les inégalités sociales. C'est parce que je crois en la méritocratie que je tiens aux classes préparatoires, parce que je crois qu'il est noble de permettre à une minorité qui l'a mérité par son travail d'atteindre les plus hautes responsabilités et les salaires qui y correspondent. Les classes préparatoires qui préparent aux concours de la République sont des remparts contre le clientélisme ou la sélection par l'argent, c'est un maillon primordial de notre méritocratie. C'est ce qu'il faut faire reconnaître dans l'opinion publique ; ce mouvement nous donne l'occasion de défendre la méritocratie en Fronce, et c'est pour cette raison qu'il faut nous engager : la seule solution d'atteindre l'excellence en France ne saurait être d'aligner du cash.
La manière avec laquelle ce projet est considéré, une application par décret, me navre. Quelle défiance de la part de l'État envers ses petits soldats qui travaillent chaque jour à former ceux sur lesquels il se repose ! Je ne peux pas accepter qu'on puisse traiter ainsi des personnels qui témoignent chaque jour de leur engagement et de leur loyauté.
Enfin, à titre personnel, je suis touché chaque jour de l'investissement de nos professeurs qui montrent autant leur motivation qu'un véritable sens du service de l'État. Nombreux ont hésité et hésitent encore à mener une action pour éviter de nous pénaliser, même si cela leur porte préjudice. C'est aussi par respect pour leur travail, et animé d'un immense sentiment de reconnaissance que je m'engagerai lundi 2 décembre par solidarité. Ma place ici, je la dois aussi à tous les professeurs que j'ai croisés dans ma scolarité, et si un jour je suis reçu à un concours, je le devrais à ceux qui, aujourd'hui, sont attaqués et se sentent abandonnés.
Conseil supérieur des programmes
- par webmestre
le 12/10/2013 - 00:36
Jean Paul Brighelli est interrogé sur le conseil supérieur des programmes récemment mis en place par Vincent Peillon:
...... l'école française s'écroule complètement, un quart des élèves entrant en sixième ne savent ni lire , ni écrire , ni calculer..........une commission des programmes : un must pour la langue de bois (ou "dis moi qui tu nommes , je te dirai ce que tu veux faire ")
.......dans la commission , pas un instituteur , pas un professeur . Imaginons que l'on veuille réformer la qualité de la baguette de pain et qu'on fasse une commission avec des députés, des sénateurs , mais sans boulanger........
......on peut supprimer des heures qui ne servent à rien........
............on n'a jamais eu autant de voyous en classe, autant de classes ingérables ............